01 42 50 22 30
[autorité parentale ; violences intrafamiliales ; pouvoir d’appréciation du juge
Jeudi 9 février dernier, les députés ont adopté en première instance un texte qui propose de retirer l’autorité parentale ou son exercice en cas de condamnation pour agression incestueuse ou pour crime sur l’enfant ou sur l’autre parent, sauf décision contraire du juge. Le texte, porté par Isabelle Santiago, députée du Parti socialiste (PS), a été adopté à l’unanimité (232 voix pour, 0 contre), et doit être examiné au Sénat le 21 mars prochain avant d’être définitivement adopté.
La proposition de loi, déposée en décembre dernier à l’Assemblée nationale, vise « à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et co-victimes de violences intrafamiliales ». En ouverture de séance, Isabelle Santiago a insisté sur le point qu’« Un parent agresseur ou violent ne peut pas être un bon parent. Il faut savoir qui l’on protège ». La députée PS, qui a travaillé en lien avec la Chancellerie, a expliqué avoir pour « seule boussole l’intérêt supérieur de l’enfant ».
La mesure est réclamée de longue date par les associations qui défendent les femmes victimes de violences conjugales et les enfants. En effet, selon un rapport de plusieurs inspections de 2018, près de 400 000 enfants en France vivent dans un foyer où des violences intrafamiliales sévissent, tandis qu’un enfant meurt tous les cinq jours de violences intrafamiliales. Dans 21,5 % des cas, les enfants sont les victimes directes de ces violences ; dans tous les cas, ils en sont témoins.
Le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, qui soutient la proposition de loi, a souligné que « Lorsque l’enfant est témoin ou victime de violences, il est en danger et la justice doit agir rapidement et efficacement pour le protéger ». Le garde des Sceaux a précisé qu’« En cas de retrait de l’exercice de l’autorité parentale, le parent ne peut plus prendre part aux décisions concernant la vie de son enfant [et] ne sera même plus informé des grandes étapes de la vie de son enfant ».
Pour rappel, la notion d’autorité parentale désigne l’ « ensemble des droits et des devoirs qui appartiennent aux père et mère en vertu de la loi (C. civ., 371-1) et que ceux-ci exercent en commun pendant le mariage (C. civ., 372) » relativement à leurs enfants mineurs non-
émancipés et aux biens de ceux-ci1. L’autorité parentale se poursuit lorsque les époux sont séparés et divorcés (C. civ., 373-2).
La loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille et la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales ont déjà permis de faire progresser la protection des enfants en introduisant la suspension de plein droit de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi pour un crime envers l’autre parent et la possibilité de retrait de l’autorité parentale ou de son exercice à l’égard du parent condamné pour un délit. Toutefois, ces dispositions sont insuffisantes car incomplètes pour Isabelle Santiago, car “les violences sur les enfants ont des répercussions très graves sur leur développement, leur scolarité, leur construction.”
Dans sa version initiale, la proposition de loi sur la révocation de l’autorité parentale prévoyait le retrait automatique et total de l’autorité parentale et de son exercice en cas de condamnation pour agression incestueuse, crime sur l’enfant ou l’autre parent. Elle s’inspirait directement des recommandations de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise). Le caractère automatique a été supprimé et il reviendra au juge de décider entre le retrait de l’autorité parentale et le retrait du seul exercice de l’autorité parentale. Ce pouvoir d’appréciation du juge a été ajouté en commission afin d’éviter un risque d’inconstitutionnalité du texte.
La proposition de loi prévoit également que, pour les personnes poursuivies mais pas encore condamnées, l’exercice de l’autorité parentale, des droits de visite et d’hébergement sera suspendu jusqu’à la décision du juge, en cas de poursuites pour « agression sexuelle incestueuse ou crime commis » sur l’enfant. Cette suspension sera de plein droit en cas de « violences volontaires sur l’autre parent ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours, lorsque l’enfant a assisté aux faits ». Aujourd’hui, la suspension provisoire de plein droit ne concerne que les crimes commis sur l’autre parent et ne vise pas les enfants victimes. Pourtant, d’après une enquête de 2019, 72,6% des mères obtenant une ordonnance de protection ont été “contraintes d’exercer leur autorité parentale avec le conjoint, qui les a vraisemblablement violentées et mises en danger, elles et leurs enfants”.
1 Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, 12è édition, p. 109.
Mahau FRENKENBERG
Le Centre Formation Juridique est une marque du groupe Formapriv droit basé au 3 rue Cassette 75006 PARIS, numéro RCS Paris B 848 288 627 au capital social de 5000€