01 42 50 22 30 06 65 62 75 74

Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Crim. 17 mai 2022, n° 21.85.611

Par cet arrêt, la chambre criminelle rappelle que l’invalidation du permis de conduire français entraîne nécessairement l’interdiction du droit de conduire sur le territoire national français, quand bien même le prévenu serait titulaire d’un permis délivré par un autre État ou d’un permis international. Est en conséquence inopérant le moyen soutenant que les permis de conduire libanais et international présentés par le prévenu auraient été obtenus régulièrement.

Il s’agissait en l’espèce d’un pourvoi formé à la suite d’une condamnation, sur renvoi après cassation, pour conduite d’un véhicule malgré injonction de restituer le permis de conduire en récidive. Le 21 février 2014, l’intéressé faisait l’objet d’un contrôle de gendarmerie alors qu’il circulait à bord de son automobile. Il présentait un permis de conduire obtenu au Liban.

Dans son pourvoi, il reproche aux juges du fond d’avoir visé l’incrimination de conduite d’un véhicule à moteur malgré injonction de restituer le permis de conduire résultant du retrait de la totalité des points. Il affirme en effet qu’en application de l’article R. 222-3 du code de la route, tout permis de conduire national, en cours de validité, délivré par un État qui n’est ni membre de la Communauté européenne ni partie à l’accord sur l’Espace économique européen, peut être reconnu en France jusqu’à l’expiration d’un délai d’un an après l’acquisition de la résidence normale de son titulaire. Le requérant interprète cette disposition comme signifiant que la reconnaissance, en France, de son permis, n’était pas subordonnée à ce qu’il réside dans le pays de délivrance de ce permis, c’est-à-dire au Liban.

De leur côté, pour justifier la déclaration de culpabilité, les juges du fond s’étaient appuyés sur l’arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d’échange des permis de conduire délivrés par les États n’appartenant ni à l’Union européenne ni à l’Espace économique européen. Ils en avaient déduit que, pour être reconnu en France, le permis de conduire étranger doit avoir été obtenu dans un pays où le titulaire du permis a sa résidence normale. Or, en l’espèce, cette preuve n’était pas rapportée. La Cour de cassation ne tranche pas directement ce point de droit qui pose, en filigrane, la question de l’interprétation de cet arrêté. Elle considère en effet ce moyen inopérant au motif que l’invalidation du permis de conduire français entraîne nécessairement l’interdiction du droit de conduire sur le territoire national français, quand bien même le prévenu serait titulaire d’un permis délivré par un autre État ou d’un permis international.

Dans un second moyen, le prévenu conteste la peine complémentaire ordonnée à son encontre, en l’espèce la confiscation du véhicule ayant servi à commettre l’infraction. La chambre criminelle rejette ses arguments relatifs au choix de cette peine complémentaire en rappelant que cette confiscation était permise par la loi, le véhicule saisi étant l’instrument du délit commis. Les hauts magistrats confortent la décision des premiers juges en soulignant que la confiscation de ce véhicule, en l’espèce une voiture de grand prix, répondait à l’impératif d’intérêt général de prévention des accidents de la route. Ils en déduisent que la confiscation était, dans cette procédure, la seule mesure de sûreté adaptée et efficace pour prévenir les accidents de la route.

Enfin, au sujet de la nature de la confiscation, la chambre criminelle confirme qu’il s’agit bien d’une peine. Ce faisant, celle-ci doit être prononcée en prenant en considération la personnalité et la situation personnelle du prévenu, ses ressources et ses charges. En l’espèce, ces exigences étaient satisfaites, de telle sorte que l’exécution provisoire pouvait être ordonnée.

En conséquence, et en toute logique, la chambre criminelle rejette le pourvoi.

Les enjeux pratiques de cet arrêt sont importants. Il s’agit en effet de déterminer s’il est possible de circuler avec un permis international, en l’espèce un permis libanais, sur les routes en dépit de l’invalidation du permis français pour perte de la totalité des points. Il est évident qu’admettre cette pratique reviendrait à contourner le dispositif du permis à points. Toutefois, le choix de la chambre criminelle n’a pas toujours été similaire à celui retenu dans l’arrêt rapporté. En effet, elle avait, dans un premier temps, considéré qu’il appartenait au juge du fond, au cas par cas, de rechercher si, en application des dispositions de l’article 5 de l’arrêté du 8 février 1999 fixant les conditions de reconnaissance et d’échange des permis de conduire délivrés par les États n’appartenant ni à l’Union européenne ni à l’Espace économique européen, le permis de conduire international était valable (Crim. 11 mai 2006, n° 05-87.098). 

Cette jurisprudence n’est toutefois plus d’actualité, ainsi que le confirme la chambre criminelle dans l’arrêt rapporté. Désormais, et depuis une jurisprudence de 2013, il est impossible de conduire avec un permis de conduire délivré par les autorités d’un autre pays étranger dans la mesure où l’annulation du permis de conduire prononcée entraîne nécessairement l’interdiction du droit de conduire sur le territoire national, quand bien même le prévenu serait titulaire d’un permis délivré par un autre État (Crim. 8 janv. 2013). 

 

Décret n° 2022-792 du 6 mai 2022

Le décret n° 2022-792 du 6 mai 2022, pris en application de l’article 3 de la loi organique n° 2021-1728 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire et relatif au statut de l’avocat honoraire exerçant les fonctions d’assesseur des cours criminelles départementales, a été publié au Journal officiel du 8 mai 2022.

En cinq articles, ce texte aborde les modalités de candidature des avocats honoraires, leur formation et les indemnités perçues lorsqu’ils exercent les fonctions d’assesseurs des cours criminelles départementales.

Concernant la candidature, tout avocat honoraire souhaitant exercer les fonctions d’assesseur des cours criminelles départementales transmet sa demande, adressée au garde des Sceaux, aux chefs de la cour d’appel dans le ressort de laquelle il réside, qui procèdent à l’instruction de sa candidature. Le dossier de candidature comporte notamment l’indication de la ou des cours d’appel auxquelles l’intéressé aspire à être affecté. Ce dossier est ensuite transmis au garde des Sceaux, assorti de l’avis motivé des chefs de cour. Le ministre de la Justice procède, le cas échéant, à une instruction complémentaire. Il saisit la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du siège des projets de nomination, et lui transmet, avec chaque projet de nomination, la liste de tous les candidats qui aspirent à être affectés à la même cour d’appel. Les dossiers de l’ensemble des candidats sont tenus à la disposition de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature. Ce sont donc les chefs de cour compétents pour la cour criminelle départementale qui doivent en principe procéder à l’enquête à la suite de la réception du dossier de candidature, celle-ci pouvant être complétée par le ministre de la Justice après l’avoir adressée à la chancellerie avec leur avis.

Avant leur prise de fonctions, les avocats honoraires doivent suivre une formation organisée par l’École nationale de la magistrature. Le contenu de cette formation de deux jours est fixé par arrêté du garde des Sceaux.

Enfin, concernant les indemnités perçues, le décret précise leur mode de calcul. Les avocats honoraires exerçant les fonctions d’assesseurs des cours criminelles départementales perçoivent ainsi une indemnité de vacation forfaitaire dont le taux unitaire est égal à trente-cinq dix millièmes du traitement brut annuel moyen d’un magistrat du deuxième grade. Le nombre de vacations allouées à chaque avocat honoraire ne peut en aucun cas excéder trois cents par an.

Ce décret était attendu, étant précisé que dans sa décision n° 2021-829 DC du 17 décembre 2021, le Conseil constitutionnel s’était prononcé sur la constitutionnalité de l’article 3 relatif aux avocats honoraires appelés à siéger dans les cours criminelles départementales. Les Sages avaient alors notamment rappelé que le paragraphe I de l’article 3 de la loi du 22 décembre 2021 interdit qu’un avocat honoraire exerce des fonctions d’assesseur d’une cour criminelle appartenant au ressort d’une cour d’appel dans lequel il a exercé la profession d’avocat depuis moins de cinq ans (Cons. const. 17 déc. 2021, n° 2021-829). 

Ces précisions sont l’occasion de rappeler qu’après vingt ans d’exercice, l’avocat qui a démissionné peut obtenir l’honorariat. L’avocat honoraire reste membre de son Ordre et justiciable de sa discipline. Même s’il est évidemment déchargé des règles conçues à l’égard des avocats en activité, il reste tenu d’un devoir général de dignité, de probité et de délicatesse. Il peut dorénavant se voir confier, en application de ce décret, de nouvelles fonctions juridictionnelles en exerçant les fonctions d’assesseur des cours criminelles départementales.

Ce décret est entré en vigueur le 9 mai 2022.

 

Décret n° 2022-656 du 25 avril 2022

Un décret n° 2022-656 du 25 avril 2022 renforçant la prise en compte des intérêts des victimes au cours de la procédure pénale a été publié au Journal officiel du 26 avril.

Le procès pénal est avant tout le procès fait par la société, représentée par le ministère public, au délinquant. Au fil des années, les victimes se sont toutefois vues reconnaître une place de plus en plus importante au sein de ce procès et la politique criminelle contemporaine vise, comme le souligne ce décret, à renforcer la prise en compte de leurs intérêts et à les protéger. 

Dans cet esprit, ce décret prévoit que l’évaluation des victimes de violences au sein du couple ou de violences sexuelles et sexistes peut être réalisée par une association d’aide aux victimes dont les professionnels sont spécialement formés à la prise en charge des victimes de ces infractions. En effet, le nouvel article D. 1-10 du code de procédure pénale affirme désormais que lorsque le procureur de la République ou le juge d’instruction estime approprié de faire procéder à une évaluation approfondie, celle-ci est réalisée par une association d’aide aux victimes disposant d’un agrément de compétence générale en application de l’article D. 1-12-1. En cas de violences au sein du couple ou de violences sexuelles et sexistes, l’évaluation peut être réalisée par les professionnels de l’association agréée qui sont spécialement formés à la prise en charge des victimes de ces infractions, qu’il s’agisse d’une association agréée, en application de ce même article, au titre de sa compétence générale ou au titre de sa compétence spécialisée.

En outre, ce décret prévoit que le procureur qui classe sans suite une procédure doit dorénavant informer la victime qu’elle peut demander une copie du dossier. L’article D. 15-3-2 est ainsi enrichi d’un nouvel alinéa qui dispose que, lorsqu’en application de l’article 40-2, le procureur de la République avise une victime de sa décision de classement sans suite, il l’informe qu’elle peut demander une copie du dossier de la procédure.

Le décret ajoute que pour certains crimes commis dans une habitation, le procureur de la République ou le juge d’instruction peut ordonner que la scène de crime soit nettoyée, afin de dispenser de cette charge la famille de la victime. Il peut à ce titre requérir une entreprise pour procéder à des travaux techniques de nettoyage des lieux s’il n’est plus nécessaire de laisser ceux-ci en l’état pour les besoins de la procédure en cours.

Enfin, l’article 4 du décret crée deux nouveaux articles : les articles 45-1-4-1 et 45-2-1 bis du code de procédure pénale. En application de ces nouveaux textes, lorsque cela paraît nécessaire, le déroulement d’une audience pénale peut être diffusé dans plusieurs salles d’audience, y compris s’il s’agit d’une juridiction spécialisée dont la compétence territoriale est étendue, dans les salles de la juridiction dans le ressort de laquelle les faits ont été commis, ce qui permet aux victimes et au public d’assister au procès sans avoir besoin de se déplacer.

Ce décret est entré en vigueur le 27 avril 2022, à l’exception de l’article D. 15-3-2 du code de procédure pénale qui entrera en vigueur le 30 septembre 2022. Une nouvelle fois, ce texte souligne la volonté franche et affirmée du législateur de prendre en compte les intérêts des victimes au cours de la procédure pénale et de leur accorder une place de plus en plus importante dans le procès pénal. Parallèlement aux arguments juridiques qui justifient ce positionnement, il s’agit aussi d’un choix pragmatique. En effet, en prenant en compte les intérêts des victimes et en les préservant, le législateur leur permet d’apaiser leur désir que certains qualifient de vengeance mais que l’on pourrait plutôt qualifier de justice, la victime ne souhaitant en effet que la simple application de la loi pénale. Faustin-Hélie écrivait en ce sens que la victime n’assouvit pas une vengeance, « elle appelle le châtiment, elle ne le requiert pas ».

N’hésitez pas à vous renseigner !

Un like, un partage sur les réseaux ?

Facebook
Twitter
LinkedIn

Suivez-nous sur les réseaux sociaux :