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Engagement manifestement disproportionné de la caution faut-il prendre en compte la valeur nominale ou la valeur réelle des parts sociales détenues par la caution

Engagement manifestement disproportionné de la caution : faut-il prendre en compte la valeur nominale ou la valeur réelle des parts sociales détenues par la caution ?

[cautionnement ; demande en paiement ; engagement manifestement disproportionné]

Rappel

Rappelons d’abord l’évolution de la jurisprudence s’agissant de l’exigence de proportionnalité du cautionnement : Au début des années 2000, la Haute juridiction exclut du bénéfice de l’exigence de proportionnalité les cautions averties (c’est-à-dire notamment les dirigeants cautions de leur société)1, avant de revirer sa jurisprudence2. Ensuite, la Cour de cassation a précisé que la disproportion manifeste du cautionnement devait s’apprécier au regard de la capacité de la caution à faire face, avec ses biens et revenus, au montant de son propre engagement3. Enfin, la Cour considère que la preuve de la disproportion pèse sur la caution4, sauf s’il est établi que le cautionnement, lors de l’engagement de la caution, était manifestement disproportionné. Dans ce cas, il revient au créancier de démontrer que le patrimoine de la caution lui permet au contraire de faire face à son obligation.

En l’espèce, une banque a consenti un prêt d’un montant de 750 000 € à une société par un acte en date du 7 novembre 2006, garanti par le cautionnement solidaire d’une personne physique, Monsieur C., dans la limite de 90 000 € et pour une durée de 9 ans. Par un acte du 29 mai 2009, Monsieur C. s’est rendu caution des engagements de la société emprunteuse au profit de la banque, dans la limite de 517 500 € et pour une durée de 5 ans. Par la suite, la société emprunteuse est mise en redressement puis liquidation judiciaires. La banque a donc assigné en paiement la caution, qui lui a opposé le caractère disproportionné de ses engagements.

Décision

La cour d’appel rejette la demande en paiement de la banque à l’encontre de la caution, jugeant que la banque n’était pas en droit de se prévaloir des engagements de la caution. En effet, la cour d’appel juge, alors que le montant total des engagements de l’intéressé était presque dix fois supérieur à son revenu annuel, que c’est à bon droit que les premiers juges ont retenu le caractère manifestement disproportionné de l’engagement litigieux.

La banque forme alors un pourvoi en cassation. Elle fait grief à la cour d’appel d’avoir retenu la disproportion du cautionnement, alors que la caution « n’avait pas justifié de la valeur de

son patrimoine immobilier au jour de la souscription de son cautionnement du 7 novembre 2006 ». La banque soutient également que « les parts sociales détenues par la caution constituent des biens dont la valeur patrimoniale réelle, et non nominale, doit être prise en compte dans l’appréciation de la disproportion manifeste de son engagement ».

S’agissant de ce dernier argument, la Haute juridiction casse et annule la décision de la cour d’appel, qui, « en prenant en compte la valeur nominale de ces parts au lieu de leur valeur réelle, et alors que la banque soutenait que les actifs […] étaient valorisés à hauteur de 3 900 000 euros », n’a pas donné de base légale à sa décision. Ainsi, s’agissant des parts sociales détenues par la caution, celles-ci doivent être prises en compte en leur valeur réelle (dont l’évaluation dépend de différents éléments, tels que notamment le chiffre d’affaires et la rentabilité de la société), et non en leur valeur nominale (généralement indiquée dans les statuts de la société).

Notons toutefois que la Cour de cassation n’a pas précisé la date à laquelle il fallait se positionner pour prendre en compte la valeur réelle des parts sociales : s’agit-il de la valeur réelle au moment de la conclusion du cautionnement ou s’agit-il de la valeur réelle au moment de la demande en paiement ? Si l’on reprend l’ancien article L. 332-1 du code de la consommation visé par la Cour, l’on devrait se positionner à la date de la conclusion du contrat de cautionnement.

L’ancien article L. 341-4 devenu L. 332-1 du code de la consommation, puis abrogé par la réforme du droit des sûretés du 15 septembre 2021, énonçait qu’ « un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ».

Attention : La réforme du droit des sûretés du 15 septembre 20215 a modifié l’article 2300 du code civil, lequel prévoit désormais que si l’engagement de la caution personne physique envers un créancier professionnel était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution, il est réduit au montant à hauteur duquel elle pouvait s’engager à cette date. En parallèle, les textes du code de la consommation ont été abrogés, dans un souci de clarification du droit.

1 Com. 8 oct. 2002, no 99-18.619 ; 13 févr. 2007, no 05-16.728 ; 27 mars 2007, no 06-13.052
2 Com. 10 juill. 2012, n° 11-16.355
3 Com. 9 oct. 2019, no 18-16.798
4 Com., 4 mai 2017, n° 15-19.141 ; 27 novembre 2019, n° 17-27.750
5 Ordonnance no 2021-1192 du 15 septembre 2021

Mahau FRENKENBERG

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