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Une personne physique qui donne l'impression d'agir à titre professionnel à son cocontractant peut-elle réclamer le statut protecteur de consommateur

Une Personne Physique Qui Donne L’impression D’agir À Titre Professionnel À Son Cocontractant Peut-Elle Réclamer Le Statut Protecteur De Consommateur ?

[droit de l’Union européenne ; notion de consommateur ; usage mixte]

Rappel

Pour rappel, l’article 17 du règlement Bruxelles I bis n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale définit le consommateur comme une personne physique ayant contracté pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle. Dès lors, les personnes qui ont contracté dans le cadre de leur activité professionnelle ne bénéficient pas de la protection1. De même, lorsque le contrat en cause concerne un bien à usage mixte mais que l’usage professionnel est prépondérant, le cocontractant personne physique ne bénéficie pas du régime protecteur réservé aux consommateurs2.

En l’espèce, une ressortissante autrichienne a conclu un contrat de vente d’un véhicule automobile avec une société allemande. Après la vente, l’acheteur se rend compte que le véhicule présente des vices cachés, et saisit donc les tribunaux autrichiens d’une demande d’indemnisation sur fondement de l’article 18(1) du règlement Bruxelles I bis lequel prévoit la compétence des juridictions de l’État membre du lieu de domicile du consommateur. Néanmoins, se pose la question de l’applicabilité de cette règle de compétence.

En effet, l’acheteur est un designer graphique et web, mentionné comme tel sur la page web d’une plateforme de vente en ligne de véhicules automobiles, à travers laquelle l’acheteur a été mis en contact avec le vendeur, défendeur à l’action. Il est important de relever qu’au moment de la vente, l’acheteur n’exerçait pas son activité de designer graphique et web pour la plateforme de vente en ligne. Par ailleurs, le contrat de vente du véhicule litigieux a été envoyé par mail par la société venderesse à la plateforme en ligne, agissant au nom de l’acheteur. Dans le contrat, l’acheteur était mentionné sous le nom « Company JA »3, et contenait une section intitulée « Special agreements business-to-business »4, ce qui n’a pas empêché l’acheteur de signer le contrat sans contester ces termes. Après la vente, l’acheteur s’est aperçu que le véhicule présentait des vices cachés et a donc saisi le Tribunal d’instance de Salzburg en Autriche, estimant que le régime protecteur des consommateurs du règlement Bruxelles I bis était applicable. Selon la partie défenderesse au contraire, ce régime n’est pas

applicable, car le contrat litigieux était un contrat conclu entre professionnels et non avec un consommateur, et que donc les juridictions allemandes étaient seules compétentes. Le Tribunal d’instance autrichien n’a pas retenu sa compétence judiciaire internationale, estimant que l’acheteur, même non-professionnel, qui est passé par une plateforme de vente en ligne pour laquelle il a travaillé, a donné l’impression d’agir en temps que professionnel.

Décision

La demanderesse a fait appel de cette décision et a donc saisi la Cour régional de Salzburg. La juridiction de renvoi devant laquelle est portée l’affaire décide de sursoir à statuer pour saisir la Cour de justice de l’Union européenne de plusieurs questions préjudicielles, portant essentiellement sur la problématique suivante : une personne physique, travailleur indépendant, peut-elle bénéficier du régime protecteur des consommateurs du règlement Bruxelles I bis ?

Pour répondre aux questions préjudicielles posées, la Cour de justice rappelle d’abord que le régime protecteur des consommateurs des articles 17 et 18 du règlement Bruxelles I bis déroge à la règle générale de l’article 4(1) et à la règle spéciale de l’article 7(1) du règlement. En conséquence, la notion de consommateur doit être d’interprétation stricte, en se référant à la situation de l’intéressé dans un contrat déterminé, compte tenu de la nature et de l’objectif de ce contrat et non de la situation subjective de l’intéressé, la même personne pouvant être considérée comme un consommateur pour certaines transactions et comme un opérateur économique pour d’autres5. Ainsi, seuls les contrats conclus en dehors et indépendamment de toute activité ou finalité commerciale ou professionnelle, dans le seul but de satisfaire les besoins propres d’un individu en termes de consommation privée, sont couverts par les règles spéciales prévues par le règlement pour protéger le consommateur en tant que partie réputée faible. Dès lors, une personne qui conclut un contrat mixte, en partie pour l’exercice de son activité professionnelle et en partie pour un usage privé, ne peut se prévaloir de ces règles protectrices que si le lien entre le contrat et la profession de l’intéressé était si faible qu’il était marginal et ne jouait qu’un rôle négligeable dans le cadre de l’opération pour laquelle le contrat a été conclu, considérée dans son ensemble. La Cour précise que le fait que la personne soit travailleur indépendant n’a aucune conséquence, il suffit de déterminer si le contrat a été conclu dans le cadre de ses activités professionnelles ou non.

La Cour de justice conclut qu’il appartient donc à la juridiction de renvoi d’examiner les faits entourant la conclusion du contrat, notamment les circonstances pour lesquelles la demanderesse a été qualifiée de « trader »6 dans le contrat litigieux afin de déterminer si la demanderesse jouit ou non de la qualification de consommateur.

1 CJCE, 3 juillet 1997, C-269/95, Francesco Benincasa v. Dentalkit Srl.
2 CJCE, 20 janvier 2005, C-464/01, Johann Gruber v. Bay Wa AG
3 Traduction : « Société JA »
4 Traduction : « Accords spéciaux d’entreprise à entreprise »
5 La Cour fait référence à sa décision du 14 février 2019, C-630/17, Milivojević
6 Traduction : « commerçant »

Mahau FRENKENBERG

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