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[liberté d’expression ; actions militantes ; infractions pénales

Dans la seconde affaire, (pourvoi n°22-83.458), des militants écologistes avaient dérobé dans certaines mairies en Gironde des portraits officiels du Président de la République afin de protester contre l’inaction du Gouvernement français en faveur de la lutte contre les changements climatiques.

Certains militants ont été mis en cause pour avoir participé aux faits. Parmi eux, quelques-uns ont refusé de se soumettre à un prélèvement en vue de déterminer leur empreinte génétique.

Le tribunal correctionnel a prononcé des relaxes partielles envers certains et condamné les autres pour vol en réunion et refus de se soumettre à un prélèvement biologique.

En attente de la restitution des portraits, le tribunal a ajourné le prononcé des peines. Les prévenus ont relevé appel de cette décision. La cour d’appel saisie de l’affaire a relaxé les prévenus. Le procureur général a alors formé un pourvoi en cassation.

Le procureur général fait grief à la cour d’appel d’avoir relaxé les prévenus alors que selon le pourvoi, « il ne pouvait être retenu que l’incrimination de vol constituait, en l’espèce, une ingérence disproportionnée dans l’exercice de la liberté d’expression, sans caractériser, d’une part, l’intérêt général allégué par le message exprimé, d’autre part, l’existence d’un lien direct entre le comportement incriminé et la liberté d’expression sur un sujet d’intérêt général » et « qu’en se livrant à un contrôle de proportionnalité insuffisamment motivé par une appréciation erronée de la gravité des agissements constitutifs de l’infraction poursuivie et du droit auquel elle porte atteinte, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ».

Le pourvoi fait également grief à l’arrêt attaqué d’avoir relaxé les prévenus après avoir retenu que les poursuites du chef de refus de se soumettre à un prélèvement biologique « portaient une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée consacré par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, sans rechercher si les poursuites, d’une part, n’étaient pas justifiées, au stade de l’enquête, par la nécessité d’apporter la preuve d’une infraction et de rechercher l’identité des auteurs, d’autre part, ne répondaient pas à un objet social différent de l’infraction de vol par ailleurs commise ».

La Cour de cassation rejette le pourvoi et approuve la cour d’appel d’avoir retenu que les prévenus, par leurs actions, avaient pour objectif « d’informer, de sensibiliser le public et le gouvernement sur l’urgence à agir en matière climatique et de dénoncer ce que ses militants qualifient d’inaction, éléments dont il s’évince que les agissements incriminés se sont inscrits dans une action politique et militante, entreprise dans le but d’alerter sur un sujet d’intérêt général, dont l’objet est le dérèglement climatique », et d’avoir relevé « que les auteurs étaient dénués d’intérêt personnel ou financier, qu’ils ont agi à visage découvert, et que les faits, qui se sont déroulés de façon non violente, ont porté sur un bien de très faible valeur marchande, le préjudice financier de chaque mairie étant constitué par le prix du portrait, 8,90 euros, et celui du cadre ».

Ainsi, selon la Cour de cassation, les juges du fond ont retenu à bon droit « que le vol de portraits du Président de la République, remplacés par des affiches, exprime de façon symbolique un message sur l’inaction climatique dénoncée par les auteurs des faits, et, dès lors, n’apparaît pas avoir porté atteinte à la dignité de la fonction ou à celle de la personne humaine ».

Dès lors, une incrimination pénale aurait constitué « une ingérence disproportionnée dans l’exercice de la liberté d’expression ». Quant au second moyen, la Cour de cassation juge que les dispositions du code de procédure pénale relatives au prélèvement biologique des empreintes peuvent être écartées « lorsque, à l’occasion de son contrôle de proportionnalité, le juge du fond retient qu’au cas d’espèce, la condamnation pour refus de se soumettre au prélèvement biologique constituerait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée (Crim., 22 septembre 2021, pourvoi n° 20-80.489, publié au Bulletin) ».

Sans prendre une position trop prononcée, la Cour de cassation nuance ses décisions en opérant un contrôle de proportionnalité entre les mesures militantes mises en œuvre par les prévenus (les mesures mises en œuvre étaient-elles nécessaires pour faire passer le message que les militants souhaitent faire passer ? D’autres mesures moins graves peuvent-elles être mises en œuvre ?) et les dommages subis par les victimes de ces infractions (le dommage causé est-il pécuniairement important ? cause-t-il une atteinte à la dignité de la victime ?).

Ainsi, dans la première affaire, la Cour de cassation approuve la condamnation des prévenus car leurs actions ont causé un préjudice pécunier important aux victimes et d’autres mesures moins graves étaient envisageables. Tandis que dans la seconde affaire, la Cour de cassation approuve la relaxe des prévenus puisque leurs actions n’ont pas causé de dommage grave et avaient pour but d’attirer l’attention sur un sujet d’intérêt général que sont les changements climatiques.

Mahau FRENKENBERG

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