01 42 50 22 30 06 65 62 75 74

Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

[Exclusion d’un associé ; SAS ; Clause statutaire ; Droit de propriété]

Rappel

L’article L. 227-16 du code de commerce permet que les statuts des sociétés par actions simplifiées (SAS) puissent prévoir l’exclusion d’un associé. Pour ce faire, l’associé est contraint à vendre ses actions. Or, les actions sont l’objet d’un droit de propriété. Il y a donc une atteinte à la libre disposition par l’associé de sa propriété. En pratique, beaucoup de SAS prévoient des clauses d’exclusion. Une question prioritaire de constitutionnalité a été renvoyée au Conseil constitutionnel afin de déterminer si ces dispositions portent ou non une atteinte inconstitutionnelle au droit de propriété.

En droit français, l’article 17 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) du 1789 consacre le droit de propriété. Le Conseil constitutionnel a en confirmé explicitement la valeur constitutionnelle dans sa décision du 16 janvier 19821. Ce faisant, les juges contrôlent étroitement la constitutionnalité d’un régime privatif du droit de propriété. Au regard des exigences de l’article 17 de la DDHC un tel régime n’est constitutionnel que s’il est mis en place par une loi, justifié par un motif d’utilité publique et prévoit une indemnisation.

Comme la Cour Européenne des Droits de l’Homme, le Conseil a pris conscience que l’atteinte au droit de propriété ne se réduit pas à ces hypothèses extrêmes de privation. C’est pourquoi, les juges constitutionnels ont décidé d’exercer un contrôle de la constitutionnalité des lois portant atteinte de manière générale au droit de propriété. Il va le faire en se fondant non pas sur l’article 17 mais sur l’article 2 de la DDHC. Le point de départ, c’est une décision rendue dans le cadre du contrôle a priori de la constitutionnalité des lois2. À partir de cette décision, le Conseil identifie des hypothèses qu’il appelle « limitations » qui, si elles sont d’une certaine gravité, reviennent à dénaturer le sens et la portée du droit de propriété.

Décision

À l’occasion de l’entrée en vigueur de la QPC, la jurisprudence constitutionnelle s’est affinée. Désormais, le Conseil a dégagé un considérant type que l’on retrouve systématiquement dans les décisions quand est en jeu le droit de propriété : « considérant que la propriété figure au nombre des droits de l’Homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu’en l’absence de privation du droit de propriété, il résulte néanmoins de l’article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi »3.

Après avoir repris ce considérant, le Conseil Constitutionnel constate que si les dispositions contestées contraignent un propriétaire à vendre son bien elles ne sont pas privatives de propriété au sens de l’article 17 de la DDHC. Le Conseil adopte une vision restrictive de la privation de propriété excluant l’obligation de vendre de son contenu. In fine, l’associé est pourtant dépossédé de force de ses actions.

Enfin, les juges constitutionnels s’intéressent au respect de l’article 2 de la DDHC. Au regard des travaux préparatoires de la loi à l’origine des dispositions le Conseil identifie l’objectif d’intérêt général poursuivi par le législateur : garantir la cohésion de l’actionnariat et assurer la poursuite de son activité. En effet cet objectif découle de difficultés pratiques, les dissentions entre associés peuvent parfois entrainer une réelle paralysie de la société. Cette paralysie peut entrainer la dissolution de la société pour défaut d’affectio societatis.

Concernant la proportionnalité de la limitation du droit de propriété le Conseil s’intéresse alors au cadre juridique général encadrant l’exclusion des associés. Ce faisant il relève que la jurisprudence de la Cour de cassation et la loi prévoient un certain nombre de garanties mais également que la décision d’exclusion ainsi que le prix de cession des actions sont contestables devant le juge. L’économie générale du dispositif conduit le Conseil à rejeter l’existence d’une atteinte disproportionnée au droit de propriété.

Les dispositions contestées sont donc conformes au droit de propriété tel que protégé par les articles 2 et 17 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.


1 Cons. Const., n° 81-132, DC du 16 janvier 1982, Loi de nationalisation.
2 Cons. Const., DC du 26 juillet 1984.
3 Cons. Const., DC du 12 novembre 2010, M. Pierre B.

Un like, un partage sur les réseaux ?

Facebook
Twitter
LinkedIn

Suivez-nous sur les réseaux sociaux :