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[Incrimination ; répression du viol ; mineur de quinze ans]

M. Roméo N. est mis en examen le 26 juillet 2022 des chefs de viol commis sur un mineur de quinze ans avec une différence d’âge supérieur à cinq ans et corruption de mineur. Placé en détention provisoire, il formule une demande de mise en liberté. Le juge des libertés et de la détention rejette cette demande par une ordonnance du 15 février 2023. Cette ordonnance est confirmée par un arrêt de la chambre de l’instruction le 7 mars 2023. Dans le cadre d’un pourvoi en cassation, le requérant soulève une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le premier alinéa de l’article 222-23-1 et l’article 222-23-3 du code pénal. Dans son arrêt du 24 mai 2023, la Cour de cassation renvoie la question au Conseil constitutionnel.

Dans l’objectif de “mieux protéger les mineurs”1, la loi du 21 avril 2021 a créé deux nouvelles infractions de viol et agression sexuelle sur mineur de quinze ans. Le premier alinéa du nouvel article 222-23-1 du code pénal prévoit désormais que « Hors le cas prévu à l’article 222-23, constitue également un viol tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis par un majeur sur la personne d’un mineur de quinze ans ou commis sur l’auteur par le mineur, lorsque la différence d’âge entre le majeur et le mineur est d’au moins cinq ans ». Ce crime est puni de vingt ans de réclusion criminelle2.

Le requérant soulevait contre ces dispositions plusieurs moyens d’inconstitutionnalité. D’une part, l’infraction créée n’implique pas d’apporter la preuve que l’acte a été commis avec violence, contrainte, menace ou surprise. Le requérant en déduit que les dispositions mettent en place une présomption irréfragable de culpabilité. Présomption qu’il affirme contraire au principe de présomption d’innocence et aux droits de la défense.

Le droit au respect de la présomption d’innocence a pour fondement constitutionnel l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) de 1789. En matière répressive, le juge constitutionnel interdit en principe les présomptions de culpabilité. À titre exceptionnel, il permet ces présomptions “dès lors qu’elles ne revêtent pas de caractère irréfragable, qu’est assuré le respect des

droits de la défense et que les faits induisent raisonnablement la vraisemblance de l’imputabilité »3. En l’espèce, le consentement de la victime est indifférent à la constitution de l’infraction. Le Conseil constate alors qu’il appartient aux autorités de poursuite d’apporter la preuve de l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction. Les dispositions n’ont donc pas pour objet d’instituer une présomption de culpabilité.

D’autre part, le requérant soutient que la culpabilité de l’auteur ne repose que sur la matérialité des faits sans prise en compte de l’intention du majeur. En découlerait une méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines. Ce principe découpe de l’article 8 de la DDHC de 1789 aux termes duquel : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Il implique que la loi définisse avec précision les caractéristiques d’une infraction. En l’espèce le Conseil constate que l’infraction n’est pas uniquement caractérisée par le constat de la matérialité des faits. Il écarte donc le grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines.

Enfin, en appliquant une peine de vingt ans de réclusion à l’auteur d’actes sexuels sur un mineur de quinze ans qu’ils aient été ou non commis avec violence, menace, contrainte ou surprise les dispositions méconnaitraient les principes de nécessité et de proportionnalité des peines.

Les exigences de nécessité et de proportionnalité des peines découlent également de l’article 8 précité. Sur leur fondement, le Conseil effectue un contrôle restreint s’asssurant de l’absence de disproportion manifeste entre l’infraction et la peine. En l’espèce les juges rappellent que la peine de vingt ans demeure la sanction maximale et que cette dernière est ajustée en fonction des circonstances en cause. Le grief tiré de la méconnaissance des principes de nécessité et de proportionnalité des peines est donc écarté.

Le Conseil constitutionnel déclare les dispositions conformes aux droits et libertés que la Constitution garantit.

Résumé :

Le Conseil constitutionnel juge conformes à la Constitution les dispositions du code pénal, introduites par la loi du 21 avril 2021, punissant de vingt ans de réclusion criminelle des actes de pénétration sexuelle commis par un majeur sur un mineur de moins de quinze ans lorsque la différence d’âge entre eux est d’au moins cinq ans. Il rejette d’abord l’argument selon lequel la loi créé une véritable présomption de culpabilité ; il rejette également le moyen tiré de la contrariété des dispositions au principe de légalité des peines et des délits et aux principes de nécessité et de proportionnalité des peines.

Ines GANDILLET

1 Rapport n° 4048 de Mme Alexandra Louis, fait au nom de la commission des lois sur la proposition de loi visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste, 7 avril 2021.
2 Article 222-23-3 du code pénal.
3 Décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999, Loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière et aux infractions sur les agents des exploitants de réseau de transport public de voyageurs

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