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[droit des contrats ; promesse unilatérale de vente ; non-rétractation]

Pour rappel, l’article 1124 du Code civil prévoit que la promesse unilatérale de vente est le contrat par lequel le promettant s’engage à vendre à une autre personne, le bénéficiaire, celle-ci ayant un droit d’option lui permettant de contracter ou de ne pas contracter.

En jurisprudence, la problématique de la rétractation de la promesse occupe une place importante depuis de nombreuses années. Ainsi, dans un arrêt célèbre de la Cour de cassation1, la troisième chambre civile avait jugé que le bénéficiaire de la promesse ne peut ni en obtenir l’exécution forcée, ni la réalisation forcée de la vente. Si la rétractation est fautive, celle-ci ne peut donner lieu qu’à une responsabilité contractuelle, donc à des dommages et intérêts de la part du promettant.

La solution avait été vivement critiquée comme peu protectrice du bénéficiaire de la promesse. Ainsi, l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats a modifié l’article 1124 du Code civil, dont l’alinéa 2 prévoit dorénavant que la rétractation de la promesse unilatérale de vente est sans effet. En effet, une fois que le promettant s’est engagé, sa rétractation est inopposable, et le bénéficiaire de la promesse pourra demander la réalisation forcée du contrat devant le juge.

La différence de régime pré-réforme et post-réforme a été considérée incohérente par la Cour de cassation2, laquelle a jugé dans une affaire dont les faits se sont déroulés pré-réforme que la rétractation de la promesse unilatérale de vente n’empêche pas la conclusion du contrat définitif. La Haute juridiction a donc procédé à un revirement d’alignement afin d’harmoniser les solutions.

Ce revirement vient d’être confirmé par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 15 mars 2023, pourvoi n°21-20.399, dans lequel la chambre commerciale juge que « le promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente s’oblige définitivement à vendre dès cette promesse et ne peut pas se rétracter, même avant l’ouverture du délai d’option offert au bénéficiaire, sauf stipulation contraire ». Ainsi, la Cour de cassation met définitivement un coup d’arrêt à la jurisprudence Consorts Cruz.

En l’espèce, plusieurs sociétés avaient conclu un protocole d’accord cadre, lequel comprenait deux promesses unilatérales de cession d’actions, soumises à différents délais d’option. 3 mois

après que le promettant ait rétracté sa promesse unilatérale, le bénéficiaire de la promesse lui notifie son intention de lever l’option. Le promettant lui opposant sa rétractation, le bénéficiaire l’assigne en exécution forcée de la promesse et en paiement de dommages et intérêts.

La Cour d’appel saisie de l’affaire avait rejeté la demande en exécution forcée de la promesse, indiquant que « sous l’empire du droit antérieur à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016, la levée de l’option par le bénéficiaire de la promesse unilatérale postérieurement à la rétractation du promettant exclut toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir ».

Un pourvoi en cassation est alors formé. La Cour de cassation rappelle d’abord sa jurisprudence antérieure à la réforme de 2016, dans laquelle elle jugeait que « la levée de l’option par le bénéficiaire d’une promesse unilatérale de vente postérieurement à la rétractation du promettant excluait toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir, de sorte que la réalisation forcée de la vente ne pouvait être ordonnée ». Cependant, afin d’harmoniser les solutions avec le droit issu de la réforme, la Cour indique que « à la différence de la simple offre de vente, la promesse unilatérale de vente est un contrat, préalable au contrat définitif, qui contient, outre le consentement du vendeur, les éléments essentiels du contrat définitif qui serviront à l’exercice de la faculté d’option du bénéficiaire et à la date duquel s’apprécient les conditions de validité de la vente, notamment s’agissant de la capacité du promettant à contracter et du pouvoir de disposer de son bien ». Dès lors, conformément à l’article 1124 alinéa 2 tel qu’issu de la réforme « la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis ». En outre, la Haute juridiction casse et annule la décision de la Cour d’appel, jugeant qu’il y a lieu « d’appliquer à la présente espèce le principe selon lequel la révocation de la promesse avant l’expiration du temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis ».

La Cour de cassation justifie sa solution indiquant que « Si, conformément à son article 9, les dispositions de l’ordonnance du 10 février 2016 ne sont applicables qu’aux contrats souscrits postérieurement à son entrée en vigueur, il apparaît nécessaire, compte tenu de l’évolution du droit des obligations, de modifier la jurisprudence de la Cour pour juger, désormais, à l’instar de la troisième chambre civile (3e Civ., 23 juin 2021, pourvoi n° 20-17.554 ; 3e Civ., 20 octobre 2021, pourvoi n° 20-18.514), que le promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente s’oblige définitivement à vendre dès cette promesse et ne peut pas se rétracter, même avant l’ouverture du délai d’option offert au bénéficiaire, sauf stipulation contraire ».

Par ailleurs, en s’appuyant sur la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme, la Cour écarte toute violation du droit au procès équitable, du droit au respect des biens et à la sécurité juridique, dans l’application du revirement à une procédure en cours.

Mahau FRENKENBERG

1 Civ. 3., 15 décembre 1993, n°91-10.199, Consorts Cruz
2 Civ. 3., 23 juin 2021, n°20-17.554

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